12 ans avant d’avoir ma leucémie (LAL de type T) qui a malheureusement été prise trop tard et qui a métastasé sur les os et la rate, j’ai eu un cancer aux deux seins diagnostiqué en stade 2 à l’âge de 29 ans. Comme certains garçons à la puberté, mes seins se sont mis à gonfler et de la gynécomastie a été diagnostiquée. A l’instar des filles, mes seins ont poussé mais pas de la même façon car cela semblait avoir la forme de deux demi-cercles; la forme des mamelons n’était plus la même puisqu’ils étaient très étirés et avaient donc perdu toute forme; ils n’avaient aucun volume et avaient adopté la forme des seins. J’étais extrêmement complexé au point que je me suis fait dispenser de sport en première et terminale. A cet âge, les moqueries de mes camarades étaient très cruelles et mon surnom était devenu “75 C”. (objectivement, ce n’était pas si faux !!!!). Par ailleurs, je me suis mis à transpirer abondamment sous les bras au point que sur un vêtement comme un T shirt gris, les auréoles commençaient des aisselles et couvraient l’intégralité des deux côtés de mon buste, descendant jusqu’au bassin et recouvrant chacune la moitié du dos. Je choisissais des vêtements aux formes et couleurs permettant de cacher autant que faire se peut ces “choses dont j’avais tellement honte” et cela a duré des années mais au fil du temps, je m’étais fait une raison. Là encore, on m’avait donné plusieurs surnoms comme “33 tours” en raison des tailles des auréoles de transpiration et le pire étaient certainement les regards moqueurs des gens au lycée, à l’université, à l’école de commerce que j’avais intégrée et où j’étais interne. J’avais honte car les jeunes pouvaient être d’une grande cruauté au point que parfois, quand j’allais à la piscine municipale, des filles me demandaient de quel sexe j’étais… ce n’est pas le meilleur moment pour prendre confiance en soi en plus…
Mes seins prenaient du volume et me faisaient beaucoup souffrir. J’ai vu un médecin endocrinologue qui m’a prescrit pendant des années du gel Andractim que je devais mettre deux fois par jour en calculant la dose sur une réglette en plastique. Ce gel contient une hormone mâle (hormone androgène). Il permet une action locale ou à distance, car il traverse la peau et passe dans le sang. J’en ai mis de 1994 à 2007 2 fois par jour mais les douleurs étaient permanentes et si le volume semblait s’être stabilisé, en 2007, à l’âge de 29 ans (c’est bien tard pour bouger mais j’étais tellement complexé que j’essayais de refouler), je fus dans l’obligation d’agir. Jusqu’au début de l’année 2007 où mes seins se sont remis à gonfler et me faire vraiment souffrir, notamment quand je faisais des mouvements et quand je marchais. Je suis allé voir un professeur endocrinologue à Paris dans une clinique dans l’est parisien pour lui expliquer la situation; il a palpé mes seins (je me rappelle avoir beaucoup souffert mais j’ai serré les dents car cela m’humiliait déjà suffisamment dans ma virilité…!) et m’a demandé de faire une mammographie dans la journée. Je comprends maintenant mieux pourquoi les femmes disent que la mammographie est si douloureuse ! Mes seins se sont fait prendre en étaux par deux plaquettes en verre; j’ai ensuite passé une irm et un scanner; il a été diagnostiqué que j’avais un “carcinome canalaire infiltrant au niveau de mes glandes mammaires de 2 seins qui étaient anormalement développées”; puis le médecin m’a expliqué qu’il s’agissait d’un cancer du sein. Je dois avouer que je n’étais pas du tout effondré; j’ai pensé en premier lieu au fait que j’allais avoir une ablation des seins et cela serait pour moi une décision libératoire. Je me suis assuré auprès du chirurgien que je n’aurais plus de seins en relief; il m’a confirmé que dans mon cas, l’ablation serait totale dans les deux cas. 3 jours plus tard, je rentrais dans le bloc opératoire presque soulagé d’en finir enfin avec ce complexe qui avait miné une partie importante de ma vie; je préférais souffrir mais ne plus rien avoir et pendant les 3 jours, je reconnais que j’avais eu le temps de réfléchir que cela était avant tout un cancer et que j’avais hâte qu’il me soit retiré dans les meilleurs délais pour ne pas qu’il se répande dans mon corps . Je ne sais pas combien de temps a duré l’opération mais je me rappelle qu’à mon réveil, ma poitrine était enturbanée par une sorte de grand pansement qui faisait pression sur ma poitrine. Le médecin est venu me voir pour me rassurer sur le fait que l’opération s’était bien passée. Il m’a expliqué qu’il avait du retirer mes mamelons. Je me rappelle qu’en sortant de l’hôpital, que j’étais seul dans mon appartement d’étudiant toute la journée et que l’on me changeait une fois par jour vers 20 heures mes bandes attachées avec une pince à nourrice; mes seins étaient nettoyés et désinfectés une fois par jour; je trouvais que cela était encore gonflé mais cela était du aux hématomes; j’avais de nouveaux mamelons qui avaient été cousus mais ceux-ci étaient parfaitement bien dessinés. C’était au mois d’avril je me rappelle, en pleine campagne présidentielle et ce fut l’un des mois d’avril les plus chauds; si chauds qu’un jour, je me mis à ressentir une douleur très vive sur la peau de mon dos; je ne savais pas ce que c’était mais ensuite, quand la fin de journée arriva, je compris que la colle du pansement avait coulé par la chaleur et avait brulé mon dos !
Une fois le pansement retiré (il me semble que cela a du durer 3 semaines), je pus reprendre le cours de ma vie; je n’ai plus jamais ressenti de sensation au niveau des mamelons et ce des deux côtés; par ailleurs, depuis ce jour, je n’ai plus jamais transpiré sous le bras, preuve qu’il s’agissait également d’un gros dérèglement hormonal. Bien entendu, mon histoire n’est pas très commune puisqu’elle racontée par un homme et vue par un homme pour un cancer qui touche en énorme majorité les femmes. Je fus suivi pendant 6 mois pour le cancer et j’ai eu des traitements par cachet (je ne me rappelle plus du nom) et j’étais surveillé tous les mois; puis ensuite tous les 6 mois et ensuite cela s’est terminé. Il s’est avéré que j’avais eu beaucoup de chance car il y a beaucoup plus de mortalité dans le cancer du sein chez les hommes que chez les femmes.