C’est mon coup de gueule du jour : je vois des malades parler de façon carrément cruelle à leurs époux/ épouses, parents, ami(e)s… je ne comprends vraiment pas pourquoi certains se permettent de se conduire ainsi. Nous sommes malades, certes ; nous ne l’avons pas choisi. Mais il faut se dire que l’accompagnant, avant que nous tombions malades ne l’avait pas choisi non plus.
Mais déjà, quelle chance d’avoir des gens qui acceptent de s’occuper de personnes malades ! surtout quand ce n’est pas leur job, qu’ils le font par amour, qu’ils se privent de moments qu’ils pourraient passer avec des amis…
Je connais une personne dont le conjoint souffre d’un cancer et se trouve dans l’impossibilité de travailler ; elle travaille dur car il n’y a plus qu’un salaire, elle fait l’emmène très régulièrement à l’hôpital qui n’est pas très proche de chez eux ; pour autant, son mari est devenu très agressif avec elle.
Le fait d’être malade n’est pas comme un passeport diplomatique où l’on peut se permettre d’être odieux. Qu’il y ait des soucis entre l’accompagnant et le malade parce qu’ils ne se mettent pas d’accord sur telle ou telle chose, OK. Mais je trouve que l’accompagnant a un rôle franchement ingrat car le plus souvent, les personnes extérieures demandent uniquement de nos nouvelles et ne cherchent pas à savoir si nos proches ou même des personnes qui peuvent être rémunérées pour s’occuper de nous vont bien.
Dans le cas où l’on a des rechutes, c’est vrai que pour nous, c’est douloureux dans tous les sens du terme mais pour eux, la souffrance est peut être différente mais toute aussi présente : l’inquiétude, la peur de nous perdre, parfois une culpabilité (est-ce de ma faute ? j’aurais peut être du me rendre compte que ce symptôme était grave…), prendre sur elle/lui pour ne pas nous montrer qu’ils sont prêts à flancher.
Alors, même si l’histoire de chacun est différente et les relations avec l’accompagnant aussi, il faut essayer de ne pas être trop nombriliste et qu’ils nous servent d’exutoire car c’est franchement injuste…
Yaakov-Lev, bonjour,
Tout d’abord je trouve extrêmement bienveillant de ta part de penser aux autres plutôt qu’à toi et de pousser fort ce coup de gueule !
Effectivement, il est difficile de pouvoir digérer la situation que ce soit pour l’intéressé(e) ou pour l’accompagnant … et comme tu le dit si bien, aucun des deux n’a demandé à être dans cette situation.
A vrai dire, je pense que si l’intéressé n’arrive pas à parler tout du moins au début avec son/sa conjoint(e) et qu’il(elle) n’est pas entouré(e) par la famille, peut-être existe t‑il un groupe d’entre aide au sein des services d’hospitalisation… j’imagine que oui, dans un sens, cela lui permet des réflexions avec des personnes qui ont un déjà un retour d’expérience plus “confirmé” et pour lequel il/elle pourra lui poser toutes les questions, sans tabout et sans blesser son/sa conjoint(e) qui n’a pas forcément les réponses et se sent encore parfois plus démunie …
Je me rappelle avoir eu l’envie de m’occuper et de passer du temps avec les personnes que j’ai (à mon niveau) accompagnée, j’ai pris soin d’eux, avons parlé, avons passé des moments à rire, à discuter, à festoyer (au mieux de leur forme), des moments tout simple aussi, car parfois la présence suffit d’elle même… ce sont des moments que l’on ne veut pas laisser filer, des moments rien qu’à nous! Et cela fait du bien à tous!
Sans vouloir faire de démagogie bas de gamme, l’Amour dans ces situations compliquées, est un “cachet” à prendre insatiablement … je pense qu’on voit la vie autrement après être passée par là …
@mumu Je te confirme! je crois que l’on mesure d’avantage le principe du “temps qui passe”; sur le papier, ça semble un peu niais d’écrire cela mais quand on le vit, c’est très différent. En tant que malade, ma vie est désormais rythmée par des rdv mensuels, par des chimios hebdomadaires à heure fixe et enfin par les médicaments à prendre quotidiennement à heure fixe là aussi. (et un patch de fentanyl que je dois prendre toutes les 60 heures pour calmer les douleurs liées au cancer des os).
D’ailleurs, le Durogesic (c’est le nom du patch) est un excellent exemple pour illustrer les risques que peuvent courir les accompagnants et leur dévouement ; tout d’abord, il existe plusieurs dosages à diffusion continue: 12 microgrammes (mug), 25 mug, 50 mug et 100 mug (et le patch devient plus gros en fonction de la puissance du Fentanyl qu’il contient) au dessus de 100, on passe à 2 patchs; pour ma part, je suis en ce moment à 112 mug donc j’ai un gros autocollant et un tout petit qui est donné en service de pédiaterie); on a besoin d’une autre personne qui doit le mettre car il doit être collé dans le dos (à moins d’être contorsionniste, ce que je ne suis pas, je ne peux pas le coller tout seul); par dessus on met le Tégaderme, l’autocollant hermétique qui recouvre les patchs pour pas qu’ils se décollent quand on prend la douche ; on écrit dessus avec un feutre qui résiste à l’eau la date et l’heure de la prise puis celles du moment où il doit être changé; comme le fentanyl est 100 fois plus fort que la morphine pure, ce n’est donné qu’à des personnes qui ont des souffrances qui peuvent survenir lorsque par exemple il y a amputation, tumeurs osseuses multiples; bref, une fois les petits autocollants bien accrochés sur le dos, le malade (en l’espèce c’est de moi que je parle…!) a l’impression qu’on lui colle un autocollant gagné à la cour d’école et c’est totalement indolore; à l’inverse, l’accompagnant, s’il est en bonne santé, doit éviter impérativement de toucher le patch; Sarah-Lev est très forte pour cela car elle a attrapé le coup de main en utilisant une pince à épiler car les deux seules fois où son doigt a touché malencontreusement le patch ou le plastique protecteur, son doigt est resté paralysé et elle s’est ensuite effondré d’épuisement; c’est rassurant sur un point: elle est en bonne santé !). Ensuite une fois que le patch est retiré, il est remis dans la pochette plastique ouverte sur lequel il y a un numéro de série pour s’assurer qu’il n’y ait pas de revente au marché noir car c’est une drogue très appréciée et qui coute une fortune, et cette pochette doit impérativement être remise au pharmacien ; d’ailleurs, quand il doit nous le délivrer, il doit le chercher dans le coffre fort de la pharmacie, c’est dire les effets de la bête…)
Quand l’accompagnant écrit le jour, la date et l’heure à la minute près pour le prochain changement de patch, on ne peut pas s’empêcher de prendre conscience de la rapidité incroyable du temps qui passe; et encore plus du temps que les accompagnants nous accordent. Ils ont également une vie, et le temps qui passe, passe de la même façon pour l’accompagnant que pour le malade; et pour faire une petite analogie au chef d’oeuvre de Proust, on peut partir à la recherche du temps perdu mais le temps qui passe est forcément perdu (positivement ou négativement) pour l’accompagnant: alors entendre geindre des personnes malades sur le fait que le cancer (ou toute autre maladie) est en train de leur faire “perdre les meilleures années de leur vie”, quand l’accompagnant est l’époux ou l’épouse avec sensiblement le même âge, c’est d’une rare ingratitude ; ce serait bien qu’il comprenne qu’il en est de même pour elle/lui qui le soutient. Il en faut du courage quand on n’est pas malade pour choisir finalement de vivre la maladie aux côtés du malade ! Certes, il ne ressent pas la douleur physique du malade mais sa douleur est toute aussi violente. Surtout si la maladie devient incurable; voir la personne s’éteindre petit à petit comme une petite bougie dont la flamme devient de plus en plus faible est terrible; je l’ai connu pour ma part quand j’étais petit puis un peu plus âgé; on connaît la finalité mais on ne peut pas matérialiser le décès même quand on s’y prépare car il n’est jamais comme on s’y attend. Surtout que c’est assez affreux de voir qqn que l’on aime souffrir (je pense à des parents avec leurs enfants pour qui ça doit être terrible); on aimerait prendre sa place.
Le cancer bousille la vie du malade et de son /ou de ses accompagnants, il faut en avoir conscience. Le malade n’a pas décidé de tomber malade mais il doit prendre pleinement conscience que son accompagnant se serrait bien passé lui aussi de voir sa vie changer de la façon la plus brutale. Il n’y a pas de place à l’aigreur; le malade ne doit pas en vouloir à la terre entière de ne plus pouvoir conduire, faire du sport, s’occuper de son conjoint, c’est totalement stupide et stérile ; et à l’inverse, il faut que l’accompagnant prenne par moment un peu de recul, quitte à couper pendant quelques temps avec la personne malade en demandant à une autre personne en qui il a confiance de le prendre le relais; il ne doit pas culpabiliser; il a le droit penser à lui, justement pour ne pas arriver à un moment où il finira par en vouloir au malade de lui avoir gâché la vie; je crois intimement que l’accompagnant doit continuer à avoir des moments qui lui appartiennent, c’est vital et c’est beaucoup plus sain.